Hallucination, hypnagogique et hypnopompique | Info Somnolence

Hallucinations hypnagogiques et hypnopompiques

Le diagnostic de la narcolepsie est délicat. Les symptômes classiques (l’endormissement brutal ou attaque de sommeil, et la cataplexie) ne sont pas toujours aussi marqués qu’on pourrait le penser.

Selon un article de J.B Maranci et I. Arnulf (Hallucinations hypnagogiques et paralysies du sommeil), on rencontre ainsi chez environ 1/3 des patients des hallucinations nocturnes, le plus souvent au moment de l’endormissement (1).

C’est quoi une hallucination hypnagogique ou hypnopompique ?

Une hallucination nocturne survient la nuit, soit au moment de l’endormissement (hallucinations hypnagogiques), soit au moment du réveil (hallucinations hypnopompiques).

Dans la narcolepsie, les hallucinations hypnagogiques (2) sont de loin les plus fréquentes mais elles sont aussi parfois les plus difficiles à se remémorer, après une nuit de sommeil où on ne sait plus si on l’a vécue ou si on l’a rêvée.

C’est quoi une hallucination nocturne ?

Les hallucinations se caractérisent par une perception anormale d’une sensation, sans objet concret ou réel. C’est en quelque sorte une perception sans objet. 

  • Les hallucinations sensorielles portent sur les cinq sens : vue, audition, goût, odorat, toucher. Les plus fréquentes, dans les hallucinations nocturnes, sont les hallucinations visuelles de toute sorte, ou les hallucinations auditives : cela peut être un son, une voix, une musique, avec ou pas un côté inquiétant.
  • Les hallucinations somesthésiques portent sur des sensations diverses provenant de différentes parties du corps. Cela peut être une sensation d’écrasement, de chaleur, de mouvement… L’une des plus fréquentes est une hallucination proprioceptive, qui touche notre sens de l’équilibre et notre perception dans l’espace, avec la sensation soudain de chuter et de tomber au sol. La plupart du temps, il n’y pas de perception associée de douleur.
  • Chez certains sujets, ces hallucinations peuvent être renforcées par le psyché interne, avec une fréquence accrue de troubles touchant la sphère génitale (sensations d’attouchement, de pénétration, d’orgasme, d’accouchement, …). C’est alors un piège diagnostic, car ces hallucinations aux confins des hallucinations sensorielles et intra-psychiques peuvent faire penser à une maladie mentale ou psychique.

C’est quoi une hallucination hypnagogique ?

Le terme hypnagogique se réfère de manière générale au demi-éveil ou demi-endormissement qui conduit au sommeil.

Cet adjectif vient de deux mots grecs, hypnos « le sommeil » et âgogé qui signifie « porter » : c’est donc le moment où l’on est porté vers le sommeil.

C’est quoi une hallucination hypnopompique ?

Hypnopompique se réfère à la phase de réveil partiel qui suit le sommeil.

Cet adjectif vient du mot grec hypnos, sommeil, et du mot grec pompein, accompagner ou escorter.

Ce mot aurait été construit en référence au mot psychopompe, qui accompagne les âmes (psycho) dans les ténèbres de la mort.

L’hallucination hypnopompique est donc une hallucination nocturne survenant au moment du réveil, un peu comme si un rêve ou un cauchemar se produisait dans ce demi-sommeil. Elle atteint au moins 12 % des patients si l’on en croit la Sleep Foundation (3). 

C’est ce qui en fait tout le trouble, car elles peuvent rester imprégnées au réveil, avec une expérience désagréable, notamment s’il s’agit d’hallucinations visuelles.

Quelles sont les raisons des hallucinations nocturnes et leurs mécanismes ?

La narcolepsie est un trouble du sommeil, caractérisé par une anomalie de fonctionnement des neurones à hypocrétine intervenant dans la régulation du sommeil. C’est ainsi les cycles du sommeil et les cycles veille/sommeil qui sont altérés, avec des « télescopages » d’un cycle dans l’autre, au lieu d’avoir des transitions lentes et ordonnées.

Pourquoi la narcolepsie donne des hallucinations nocturnes ?

Les hallucinations hypnagogiques résultent d’un mécanisme similaire où se télescopent les rêves du sommeil paradoxal rapide, avec le sommeil lent de l’endormissement. 

Le sommeil est en effet organisé en cycles, chacun comprenant 3 phases :

  • L’éveil
  • Le sommeil lent avec l’endormissement, le sommeil lent léger, le sommeil  lent profond ;
  • Le sommeil rapide, appelé aussi sommeil paradoxal ou sommeil REM pour rapid eye movement car les yeux font un mouvement rapide.

C’est durant ce sommeil paradoxal qu’ont lieu les rêves et l’intégration de nos expériences émotionnelles. On parle de sommeil paradoxal car le sommeil est très profond, alors que l’activité cérébrale est très intense. Cette phase de sommeil paradoxal est plus longue avant le réveil. 

Les hallucinations hypnopompiques ou hypnagogiques apparaissent ainsi comme un état dit de status dissociatus, où cohabitent de manière un peu anarchique un état de veille et un état de sommeil paradoxal. Ces éléments dissociés se retrouvent autant d’un point de vue clinique, que lors d’un enregistrement graphique (EEG) ou polysomnographique

On retrouve ce statut de status dissociatus dans la cataplexie (intrusion de l’atonie musculaire du sommeil paradoxal dans la veille), alors que l’hallucination hypnagogique est une intrusion du sommeil paradoxal rapide dans le sommeil lent d’endormissement.

Cataplexie et hallucinations nocturnes apparaissent ainsi comme des expressions différentes de la même anomalie, la perturbation de régulation des phases du sommeil.

Quelles sont les autres causes d’hallucinations hypnagogiques ou hypnopompiques ?

Des épisodes sporadiques d’hallucinations hypnagogiques sont normaux et sans signification. 

Les causes d’hallucinations hypnagogiques ou hypnopompiques sont nombreuses, ce qui peut gêner d’ailleurs le diagnostic de narcolepsie, en partant sur d’autres pistes, le plus souvent psychiatriques, psychologiques ou neurologiques pures.

  • Les causes iatrogènes concernent souvent la prise de médicaments, dont les somnifères ou les benzodiazépines, la consommation d’alcool ou la prise de drogues, type produits psychédéliques, psychostimulants ou similaires (cocaïne, LSD, kétamine, héroïne, cannabis, substitut aux opiacés…)…

 Les causes neurologiques peuvent concerner des maladies inflammatoires, dégénératives (Alzheimer, Parkinson…), tumorales… 

  • Les causes psychiatriques regroupent l’ensemble des pathologies où des phases de délire ou bien dissociatives sont décrites.
  • Des facteurs psychologiques comme le stress, l’anxiété ou les états dépressifs peuvent être à l’origine d’hallucinations nocturnes.

Enfin, de nombreux troubles du sommeil comme les hypersomnies, les troubles du rythme circadien ou les insomnies peuvent occasionner des hallucinations hypnagogiques, dès lors que le sommeil est fragmenté dans son architecture et sa régularité.

Comment reconnaître l’hallucination hypnagogique d’une narcolepsie ?

1-La première difficulté est d’identifier l’hallucination hypnagogique, parfois noyée dans le pré-sommeil puis les rêves, et donc oubliée le lendemain. Elle est considérée comme l’une des plus fréquentes hallucinations nocturnes.

Son diagnostic est rendu difficile aussi, car il est souvent complexe de faire la distinction au réveil entre un rêve dont on se souvient, et une hallucination hypnopompique parfaitement identifiée. 

2-La seconde difficulté est de caractériser l’hallucination nocturne, en distinguant les hallucinations auditives, visuelles (formes géométriques simples, phosphènes, flash, personnages…) et, plus rares, les hallucinations tactiles (picotement, froid, brûlures), olfactives ou gustatives.

En effet, la répétition du même type d’hallucinations simples peut orienter sur une lésion cérébrale au sens large : lobe occipital pour des hallucinations visuelles élémentaires, lobe temporal pour des lésions auditives simples, région temporo-pariéto-occipitale pour des hallucinations visuelles complexes, crochet de l’hippocampe pour des hallucinations olfactives… 

3-La troisième étape est d’établir le facteur causal possible, que ce soit un trouble du sommeil, une cause iatrogène, un dysfonctionnement cérébral, un trouble psychique…

Pour une narcolepsie, il faut être attentif aux autres signes (somnolence diurne excessive, paralysie du sommeil, cataplexie…) et à l’existence d’hallucinations même sur des endormissements courts, même le jour… 

4-En tout état de cause, le diagnostic de narcolepsie passera obligatoirement par des tests du sommeil et de l’éveil. Une polysomnographie devrait ainsi faire partie des examens systématiques en cas d’hypersomnie associée.

Bibliographie:

  1. Maranci, J. B., et al. « Hallucinations hypnagogiques et paralysies du sommeil ». LE COURRIER DES ADDICTIONS, no vol.20,n°2, Avril-mai-juin 2018, p. 14‑20, http://www.edimark.fr/courrier-addictions.
  2. Caillon, É. « Rêves et hallucinations: Le modèle narcoleptique ». L’Évolution Psychiatrique, vol. 65, no 2, avril 2000, p. 341‑52. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1016/S0014-3855(00)80008-0.
  3. « What Are Hypnopompic Hallucinations? » Sleep Foundation, 23 juin 2021, https://www.sleepfoundation.org/how-sleep-works/hypnopompic-hallucinations.