Episodes dépressifs et sommeil
Les relations entre troubles du sommeil et dépression sont assez complexes, chacune de ces deux pathologies pouvant favoriser et aggraver l’autre.
Episodes dépressifs et insomnie : quels liens ?
Aujourd’hui, les spécialistes reconnaissent la corrélation entre un syndrome dépressif et l’insomnie, où coexistent au moins deux causes : la maladie elle-même et son traitement.
Selon la Haute Autorité de santé (HAS), l’épisode dépressif se définit par une durée minimale de 2 semaines(1), avec un changement significatif comparé à l’état antérieur (socio-professionnel ou familial) et responsable d’une détresse significative.
Causes liées à la maladie dépressive
Comme le souligne T. Tremine dans un article de 2006 (Dépression et rythmes circadiens), les travaux ont prouvé qu’il y avait un lien entre les épisodes dépressifs et le rythme circadien, les modifications de ce dernier étant à la fois une cause de la dépression, mais aussi une conséquence (2).
Les rythmes circadiens définissent les alternances jour/nuit et donc veille/sommeil.
L’horloge interne qui sert de régulation se trouve dans l’hypothalamus, à hauteur du noyau supra-chiasmatique. Elle fait intervenir différents médiateurs, dont la mélatonine qu’on décrit aussi comme « l’hormone de l’endormissement ».
Chez le sujet sain, les chercheurs mettent en évidence deux pics de vigilance sur 24 heures. Chez le sujet dépressif, ils notent au contraire une désynchronisation circadienne de la vigilance avec souvent, au début de la maladie, une mauvaise humeur matinale, se régularisant en soirée.
C’est ce qui explique simplement l’interaction entre le sommeil, la dépression et les troubles du rythme circadien.
- L’insomnie est ainsi l’un des symptômes les plus constants de l’épisode dépressif puisque
- L’hypersomnie secondaire est également décrite chez les sujets qui souffrent de troubles dépressifs (3).
Causes liées au traitement de la dépression
Quelle que soit leur classe pharmacologique, la majorité des antidépresseurs sont connus pour modifier ou altérer l’architecture du sommeil. Leur action délétère sur le sommeil porte la plupart du temps sur une inhibition de la latence du sommeil paradoxal (appelée phase REM pour rapid eye movement).
Certains IMAO (inhibiteurs de la monoamine oxydase) traditionnels peuvent même la supprimer complètement, entraînant un sommeil de moindre qualité et donc moins réparateur. Les antidépresseurs de seconde génération, à activité sérotoninergique, ont moins cette action inhibitrice.
Comment diagnostiquer une insomnie avec des épisodes dépressifs ?
Un diagnostic complet va associer les compétences de médecins spécialistes du sommeil, de psychiatres, de neurologues et de psychologues.
Antécédents et examen clinique
Ces examens vont s’appuyer sur différents outils et différents questionnaires pour apprécier le degré de somnolence, la qualité du sommeil, le sentiment anxieux, le fond dépressif…
Les tests de la somnolence et de la fatigue vont s’appuyer notamment sur l’échelle d’Epworth ou le questionnaire de Pichot. Ils se présentent sous forme d’un questionnaire complet pour évaluer la propension à l’endormissement.
Les tests de la dépression peuvent s’appuyer sur l’échelle HAD ou sur l’échelle de Pichot. Ils aident à la fois à objectiver un état anxieux ou dépressif, et à le quantifier.
Examens complémentaires
En cas de suspicion d’un trouble du sommeil, il est possible de réaliser un enregistrement du sommeil, surtout pratiqué en centre du sommeil, par polysomnographie.
Selon un article de A. Nicolas en 2007 (Dépression et sommeil : aspects cliniques et polysomnographiques), la polysomnographie permet de mettre en évidence des troubles objectifs de l’architecture du sommeil chez la majorité des patients atteints de troubles dépressifs (4).
Ces défauts sont autant quantitatifs (baisse du sommeil lent profond) que qualitatifs (altération de la structure des phases du sommeil paradoxal).
Prise en charge : quel traitement pour une insomnie du dépressif ?
Selon l’Association for Behavioral and Cognitive Therapies, traiter l’insomnie augmente grandement les chances de guérir aussi d’une dépression.
C’est donc un levier de soin dont il ne faut pas se priver, sous réserve d’éviter les somnifères.
- Le traitement hygiéno-diététique est important, d’autant qu’il permet de rétablir une forme de routine et de rituels, toujours intéressants dans la prise en charge d’un épisode dépressif.
- Le traitement médical peut s’avérer essentiel pour la dépression. En fonction de la symptomatologie ainsi que de la sévérité du trouble dépressif, différentes molécules peuvent être utilisées.
- Le traitement psychologique comme les thérapies comportementales et cognitives (TCC) peut apporter une vraie plus-value, à la fois pour mieux vivre avec sa somnolence mais aussi pour mieux vivre avec sa maladie. Ils sont une aide à la rééducation d’un sommeil de qualité.
Bibliographie:
- «Dépression de l’adulte – Repérage et prise en charge initiale ». Haute Autorité de Santé, https://www.has-sante.fr/jcms/pprd_2974237/fr/depression-de-l-adulte-reperage-et-prise-en-charge-initiale. Consulté le 21 décembre 2022.
- Trémine, T. (2007). Dépression et rythmes circadiens: Symposium Euthérapie, XXVIes Journées de l’Information Psychiatrique Marseille, 13 octobre 2006. L’information psychiatrique,
- Billiard, M. « Hypersomnie en psychiatrie ». Médecine du Sommeil, vol. 3, no 7, mars 2006, p. 5‑11. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1016/S1769-4493(06)70113-3.
- Nicolas, Alain. Dépression et sommeil: aspects cliniques et polysomnographiques. www.academia.edu, https://www.academia.edu/16688302/D%C3%A9pression_et_sommeil_aspects_cliniques_et_polysomnographiques. Consulté le 30 décembre 2022.